Politique énergétique : la Suisse pourrait perdre sa position
Sans un accord sur l'électricité avec l'UE, la Suisse perdra son influence dans la politique énergétique européenne, préviennent des chercheurs de l'École polytechnique fédérale de Lausanne et de l'Université de Saint-Gall.
Il pourrait être plus difficile pour la Suisse d'exercer une influence sur la politique énergétique européenne. En outre, le développement des énergies renouvelables dépend en priorité d'un soutien politique uni à l'intérieur du pays, soulignent les chercheurs suisses qui, dans le "Programme national de recherche sur l'énergie", mettent en évidence de possibles déficits énergétiques.
Dans le cadre du Programme national de recherche sur l'énergie, des scientifiques de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et de l'Université de Saint-Gall (HSG), on s'est penché sur la question de savoir ce qui attendait la Suisse si les négociations sur un accord sur l'électricité échouaient. Aujourd'hui, dans une Communiqué sur les avantages et les inconvénients pour la Suisse. Selon elle, la Suisse est confrontée à des "conséquences incertaines, mais en tout cas graves".
Mot-clé : Marché intérieur de l'UE
Avec l'extension du marché intérieur de l'énergie de l'UE, la Suisse a déjà perdu de l'influence, écrit le Fonds national suisse de la recherche scientifique FNS. "La Suisse est devenue plus dépendante de l'UE, l'inverse est de moins en moins vrai", déclare Matthias Finger de l'EPFL, cité dans le communiqué. "Sans un accord sur l'électricité, la Suisse risque d'être encore plus exclue du règlement des questions énergétiques centrales".
Sans accord, la Suisse devra en outre faire face à un déficit commercial plus important dans le secteur de l'énergie, poursuit le communiqué. Ce déficit pourrait atteindre environ 1 milliard de francs d'ici 2030. Sans accord, le commerce et l'équilibrage du réseau par Swissgrid seront également beaucoup plus difficiles.
Des conséquences incertaines, mais en tout cas graves
Dans ce contexte, les chercheurs ont étudié les effets politiques et économiques de deux scénarios opposés : une "européanisation directe" via un accord bilatéral sur l'électricité et une "européanisation indirecte" sans accord sur l'électricité (par exemple par une adaptation autonome au cadre juridique européen).
- Quel que soit le scénario choisi, la sécurité d'approvisionnement de la Suisse est suffisante au moins jusqu'en 2030. Cependant, aucun État, pas même la Suisse, ne peut compter sur les importations d'électricité : Un accord facilite les importations, mais ne garantit pas la disponibilité de l'énergie importée.
- Même sans accord, les connexions physiques avec le marché européen de l'électricité seront maintenues, mais le commerce et l'équilibrage du réseau par Swissgrid seront nettement plus difficiles.
- En l'absence d'accord, le secteur énergétique suisse connaîtra globalement un déficit commercial plus important, de quelques centaines de millions de francs suisses par an à un milliard de francs suisses en 2030. Les consommateurs devront supporter une hausse significative des prix de l'électricité par rapport à leurs voisins européens, qui pourrait atteindre 15 à 20 CHF par MWh d'ici 2030.
- Les simulations n'ont pas montré d'effets significatifs d'un accord sur l'électricité sur le développement des énergies renouvelables en Suisse. En l'absence d'un accord sur l'électricité, la Suisse pourrait toutefois investir dans des centrales à gaz, en particulier si le développement des énergies renouvelables n'est pas fortement soutenu politiquement et donc forcé.
Impact sur les énergies renouvelables ?
En revanche, les chercheurs ne voient pas d'effet direct d'un accord sur l'électricité sur le développement des énergies renouvelables. "Avec ou sans accord sur l'électricité, une politique énergétique orientée sur le long terme et dépassant le secteur de l'électricité est décisive pour l'économie énergétique, le développement économique global et la réalisation des objectifs climatiques", estime Finger. "Or, une telle politique fait défaut". Peter Hettich, co-auteur du programme de recherche, concrétise les effets sur le développement des énergies renouvelables : "Aujourd'hui, on règle plutôt des questions individuelles ad hoc. Mais pour de nombreux investisseurs dans les énergies renouvelables, des conditions-cadres fiables sont désormais plus importantes que la question du soutien financier".
(Matthias P. Finger et Paul van Baal : "CH-EU - Beziehungen unter Strom", Chronos Verlag, à paraître en 2020)
Pour plus de points sur le "Programme national de recherche sur l'énergie", voir ici