Un label énergétique en francs et en centimes ?

Un label énergétique de plus, à quoi bon ? Les ménages suisses sont encore loin d'être aussi efficaces sur le plan énergétique qu'ils pourraient l'être aujourd'hui. Lors de l'achat d'appareils électriques, seule une partie des consommateurs choisit les modèles économes en énergie. Une équipe de recherche propose maintenant : Les emballages des réfrigérateurs, tumblers ou fours devraient à l'avenir déclarer combien coûte en moyenne la consommation d'électricité des appareils par an. Car si l'on connaît les coûts de l'électricité, on peut aussi économiser davantage d'énergie, montre l'étude financée par l'Office fédéral de l'énergie.

 

L'"Energy Guide Label", utilisé aux Etats-Unis, indique la consommation d'électricité des appareils ménagers non seulement en kilowattheures, mais aussi en dollars. Les ménages suisses pourraient également profiter d'un tel modèle. (Image : FTC, US-Gov.)

 

Un label énergétique tel que le "Energy Guide Label" pourrait également aider à économiser davantage d'énergie dans notre pays. Une nouvelle étude financée par l'Office fédéral de l'énergie (OFEN) montre que le potentiel d'amélioration de l'efficacité énergétique est bien réel. "Les ménages pourraient économiser 20 à 30 pour cent d'électricité de plus qu'ils ne le font actuellement", déclare le professeur Massimo Filippini, responsable de l'étude, car il existe aujourd'hui des "inefficacités considérables" dans l'achat et l'utilisation des appareils électroménagers. L'économiste de l'ETH Zurich a mené une grande enquête sur la consommation d'électricité en Suisse en collaboration avec Nina Boogen et Nilkanth Kumar de l'ETH Zurich ainsi que le Dr Julia Blasch de l'Université libre d'Amsterdam.

Au moyen d'un questionnaire, l'équipe a recensé dans 8 400 foyers du pays, entre autres, quels appareils électriques sont utilisés et avec quelle intensité, ainsi que la quantité d'électricité qu'ils consomment de facto. Cette dernière a été déterminée à l'aide des données fournies par neuf entreprises d'électricité participantes.

Sur la base de ces données, les chercheurs ont calculé l'efficacité énergétique de chaque ménage à l'aide de méthodes statistiques. Ils ont ensuite comparé la consommation d'électricité des ménages dans un benchmarking avec la consommation d'électricité estimée à partir d'un modèle de bonnes pratiques. Les économistes ont déterminé le potentiel d'économie d'électricité de 20 à 30 pour cent à partir de l'inefficacité des ménages mesurée selon le modèle des meilleures pratiques. En fait, ils ont trouvé "22% d'inefficacité structurelle", comme celle causée par des appareils obsolètes gourmands en électricité qui durent encore des années, et 11% d'"inefficacité à court terme", comme celle causée par le fait de laisser un appareil en mode veille alors qu'on pourrait l'éteindre à tout moment.

"L'achat d'appareils électroménagers peut être complexe d'un point de vue économique", décrit Massimo Filippini, l'une des raisons des inefficacités actuelles. De telles décisions supposent d'une part quelques connaissances en matière d'énergie : Combien d'électricité faut-il pour faire chauffer de l'eau dans un autocuiseur par rapport à une casserole avec un couvercle dessus ? Combien coûte un kilowattheure d'électricité ? Quels sont les coûts liés à l'utilisation d'un appareil ? Par exemple, quel est le coût d'une machine ? Combien coûte un cycle de lavage à 60 °C ? Dans l'enquête, la plupart des personnes n'ont pas pu répondre correctement à de telles questions.

 Des calculs qui en valent la peine

Selon l'économiste Massimo Filippini, un autre aspect n'est pas moins important : "Pour prendre des décisions d'achat informées en matière d'énergie, il faut une certaine compétence financière ; les gens doivent pouvoir faire un calcul d'investissement lors de l'achat de nouveaux appareils". Les appareils efficaces sur le plan énergétique ont en effet un handicap dans le magasin de vente : ils paraissent généralement plus chers qu'ils ne le sont en réalité, car les coûts d'électricité qu'ils permettent d'économiser année après année ne sont pas reflétés dans le prix d'achat. L'étiquette-énergie collée sur les appareils courants comme les réfrigérateurs, les cuisinières, les tumblers ou les fours indique certes la consommation annuelle d'électricité prévue, mais dans l'unité physique des kilowattheures. Pour connaître le coût de l'électricité et, en fin de compte, le coût total sur la durée de vie supposée d'un appareil, il faut le calculer. Et ces calculs ont de quoi faire, comme l'illustre un exercice du questionnaire de l'étude.

Il s'agissait de résoudre le problème suivant : Supposons que deux réfrigérateurs identiques se trouvent dans le magasin. Ils se distinguent uniquement par leur prix et leur consommation d'électricité : le modèle A coûte 3300 francs et consomme 100 kWh d'électricité par an, le modèle B coûte 2800 francs et consomme 200 kWh d'électricité par an. Quel réfrigérateur présente le coût total le plus bas après dix ans, sachant que le kWh coûte toujours 20 centimes ? Seuls 30 % des personnes interrogées ont pu donner la bonne réponse à cette question (modèle B). Et ce, bien que les chercheurs aient même indiqué le prix du kilowattheure, une information qui ne figure pas sur l'étiquette énergétique des appareils réels. Lors de l'achat réel d'appareils ménagers, l'obstacle à une estimation correcte des coûts devrait donc être encore plus grand.

La conclusion de l'étude est décevante : deux tiers des consommateurs et consommatrices n'étaient pas en mesure de calculer correctement les coûts totaux (prix d'achat plus coûts énergétiques sur dix ans) et de comparer ainsi correctement les deux réfrigérateurs d'un point de vue économique. Le fait que le modèle A consomme moins d'électricité que le modèle B et soit donc plus écologique était d'ailleurs un 'artifice' conscient de la part des scientifiques : ils voulaient ainsi s'assurer que les personnes testées dans le contexte de l'enquête ne faisaient pas l'hypothèse simpliste selon laquelle les appareils efficaces sur le plan énergétique seraient rentables sur une longue période (parce que les coûts énergétiques sont proportionnellement plus faibles), mais qu'elles calculeraient effectivement les coûts totaux de manière fiable.

Selon la stratégie énergétique 2050, la consommation moyenne d'électricité par habitant en Suisse doit être inférieure de 3 % à celle de l'an 2000 d'ici 2020. L'objectif pour 2035 est encore plus ambitieux : la consommation moyenne d'électricité par habitant doit alors être inférieure de 13 % à celle de l'an 2000. Pour atteindre ces objectifs, les ménages peuvent apporter une contribution significative.

La déclaration d'électricité sous forme monétaire favorise l'efficacité énergétique

Les chercheurs ont ensuite voulu savoir comment les consommateurs pouvaient estimer plus efficacement les coûts des appareils électroménagers sur toute leur durée de vie. Avec des sous-groupes de l'enquête auprès des ménages, ils ont testé des alternatives aux bases de calcul actuelles. Nina Boogen, chercheuse à l'ETH, commente le résultat : "Si les gens voient la consommation d'électricité des appareils ménagers en francs et en centimes plutôt qu'en kilowattheures comme aujourd'hui, ils prennent nettement plus souvent des décisions d'achat rationnelles et bien informées en faveur d'une meilleure efficacité énergétique". La proportion de réponses correctes a alors augmenté de manière significative. L'utilisation d'un calculateur en ligne permettant aux personnes interrogées de calculer le coût de la durée de vie des appareils électriques a également eu un bon effet. Une légère amélioration a été constatée lorsque les participants à l'enquête ont reçu des instructions succinctes sur la manière de calculer correctement la grandeur abstraite "kilowattheures".

 Un label énergétique comme aux États-Unis ?

Du point de vue de la politique énergétique, l'équipe d'économistes estime donc qu'il serait judicieux que les fabricants d'appareils électroménagers soient obligés à l'avenir d'indiquer de manière bien visible sur l'emballage des produits les coûts annuels estimés de l'électricité pour les réfrigérateurs, les sèche-linge, etc. La Suisse pourrait ainsi suivre l'exemple de l'"Energy Guide Label" (US-FTC, 2017) aux États-Unis. Sur ce label jaune, le coût annuel estimé de l'électricité d'un appareil est inscrit en chiffres noirs gras sur une échelle qui tient compte des variations régionales du prix de l'électricité. Cette mesure serait relativement facile à mettre en œuvre, estime Massimo Filippini. En même temps, elle aurait un effet à long terme : "Une fois qu'un appareil ménager est acheté, son efficacité énergétique influence souvent la consommation d'électricité pendant des années".

Afin d'augmenter encore la compétence d'achat importante et de promouvoir les connaissances générales en matière d'énergie, l'équipe de recherche propose d'autres mesures de politique énergétique - des brochures et campagnes d'information, des cours dans les écoles et pour les consommateurs, ainsi que des applications mobiles qui aident à calculer les coûts de la durée de vie des appareils ménagers. La mise en œuvre de ces mesures n'est toutefois pas du ressort des scientifiques. La balle est dans le camp des politiques.

 

Vous trouverez le rapport final du projet "Energy efficiency, bounded rationality and energy-related financial literacy in the Swiss household sector" sous : https://www.aramis.admin.ch/Default.aspx?DocumentID=46444&Load=true

 

Pour plus d'informations sur le projet, veuillez contacter le Dr Anne-Kathrin Faust, anne-kathrin.faust@bfe.admin.ch, responsable du programme de recherche Energie, économie, société de l'OFEN.

Vous trouverez d'autres articles spécialisés sur les projets de recherche, les projets pilotes, les projets de démonstration et les projets phares dans le domaine de l'énergie-économie-société (EWG) sous www.bfe.admin.ch/CT/divers

(Visité 58 fois, 1 visites aujourd'hui)

Plus d'articles sur le sujet