Stocker du CO2 dans le sol avec du charbon végétal

Les agriculteurs doivent carboniser les résidus végétaux et les utiliser comme amendement. Cela permet d'augmenter la fertilité de la terre et de stocker durablement le carbone dans le sol. Deux PME présentent leurs prototypes d'installations de carbonisation qui devraient répondre aux besoins de l'agriculture suisse.

Stephan Gutzwiller lance le processus de carbonisation dans le prototype de son installation de pyrolyse pour l'agriculture. (Photo : Kaskad-E)
Stephan Gutzwiller lance le processus de carbonisation dans le prototype de son installation de pyrolyse pour l'agriculture. (Photo : Kaskad-E)

Un tonneau avec une cheminée - voilà à quoi ressemble le prototype avec lequel André Van der Veken veut révolutionner l'agriculture suisse. "Il n'est pas beau, mais il fonctionne", dit le fondateur de la société Carboforce fièrement. La vie intérieure du tonneau est bien plus complexe qu'il n'y paraît. Il s'agit d'un four ultramoderne qui carbonise les déchets végétaux mélangés sans oxygène et ne produit pratiquement pas de gaz d'échappement.

Ce procédé s'appelle la pyrolyse et connaît actuellement un grand essor dans le domaine du charbon végétal. L'objectif d'André Van der Veken et de son entreprise Carboforce est de développer une installation de pyrolyse bon marché pour les exploitations agricoles. Il s'agit maintenant de simplifier la manipulation du prototype et de concevoir un boîtier qui remplacera le tonneau comme enveloppe du four. La PME de Cernier, dans le canton de Neuchâtel, bénéficie du soutien financier de la Fondation suisse pour la formation professionnelle. Fondation Suisse pour le Climat.

Triple utilisation

Le charbon végétal est poreux comme une éponge. Il n'est pas brûlé. Au lieu de cela, il est utilisé à plusieurs reprises dans l'agriculture : premièrement, les agriculteurs mélangent le charbon végétal à l'alimentation animale, ce qui facilite la digestion des animaux. Deuxièmement, du charbon est ajouté à la litière dans les étables et au lisier afin de réduire les fuites d'ammoniac et de méthane. Troisièmement, le charbon végétal est labouré dans la terre, ce qui permet au sol d'absorber davantage d'eau et de nutriments.

La terre carbonée est très fertile et était déjà connue des indigènes d'Amazonie il y a plus de 1000 ans. Grâce à ce qu'on appelle la "Terra Preta", ils ont pu augmenter considérablement leurs rendements. Dans certains pays africains, le charbon est encore utilisé aujourd'hui avec succès pour améliorer les sols.

Un savoir ancien redécouvert
Le monde occidental redécouvre le charbon en même temps que le procédé moderne de pyrolyse. Des universités du monde entier étudient le thème du charbon végétal ou, en anglais, "biochar". Une conférence de quatre jours sur le biochar débutera le 22 août dans l'État de l'Oregon, aux États-Unis. En octobre, la troisième conférence Asie-Pacifique sur le charbon végétal est déjà prévue en Corée du Sud.

En Suisse aussi, la recherche, le développement et l'agriculture se mettent en réseau : en novembre 2015, au Centre écologique à Langenbruck a créé le "CharNet", un réseau d'acteurs actifs dans le domaine du charbon végétal. Les offices fédéraux de l'agriculture et de l'environnement prévoient d'organiser en septembre 2016 une table ronde avec des détenteurs de connaissances sur le sujet.

Le Biochar Science Netwok a été fondé dès 2010 par l'Institut Delinat en Valais et l'Université de Zurich. D'autres universités et instituts de recherche en Europe ont rejoint le réseau. Celui-ci a contribué de manière déterminante à l'établissement de directives pour la qualité du charbon végétal en Europe. La garantie de la qualité est d'ailleurs l'un des thèmes principaux de la discussion sur le charbon végétal en Suisse. Le lancement de nouveaux projets de recherche et la pratique d'autorisation pour l'utilisation du charbon végétal dans l'agriculture sont également au centre des préoccupations.

Une chance pour la protection du climat et l'économie
La Fondation Suisse pour le Climat soutient les PME qui font quelque chose pour la protection du climat. Depuis cinq ans, des projets dans le domaine du charbon végétal en font partie. Dans la région montagneuse de Zoug, plusieurs agriculteurs se sont par exemple associés pour produire du charbon végétal dans une installation de plus grande envergure. La fondation a participé aux investissements.

"La production de charbon végétal dans sa propre ferme est encore trop chère pour de nombreux agriculteurs", explique Vincent Eckert, directeur de la fondation. Selon lui, la demande d'installations de qualité et bon marché est importante. C'est pourquoi la Fondation Suisse pour le Climat soutient également les PME suisses qui développent des installations de pyrolyse. La fondation est une initiative volontaire d'entreprises de services renommées en Suisse et au Liechtenstein. Son objectif est de promouvoir simultanément la protection du climat et de renforcer l'économie locale.

Production directement à la ferme
Pour l'agriculture suisse, il faut des appareils plus petits qu'à l'étranger, afin que le charbon végétal puisse être produit directement dans les fermes de manière décentralisée. Outre Carboforce d'André Van der Veken, la Fondation Suisse pour le Climat soutient également Cascade-E à Bâle, dans le cadre du développement d'un prototype de ferme.

Le directeur Stephan Gutzwiller vend depuis quelques années déjà de petits appareils de pyrolyse pour les loisirs. Il a maintenant de plus grands projets : "Ma vision est que chaque ferme suisse produise elle-même du charbon végétal", dit-il. Son prototype est relié à un échangeur de chaleur qui permet d'utiliser la chaleur résiduelle de la production de charbon pour le chauffage. Une extension qui est également prévue dans le projet Carboforce. Stephan Gutzwiller de Kaskad-E cherche maintenant une exploitation agricole pour tester son prototype dans des conditions réelles.

Le sol comme réservoir de carbone
La Fondation Suisse pour le Climat voit dans le charbon végétal un grand potentiel pour la lutte contre le changement climatique. "Le sol est le plus grand réservoir de carbone de la Terre et constitue donc un facteur très important pour la protection du climat", explique Vincent Eckert. Mais avec le changement climatique, le sol se modifie également. La couche d'humus diminue, le carbone s'échappe et le sol peut moins stocker d'eau. Le charbon végétal contrecarre ces tendances. "Une partie du carbone que les plantes ont filtré de l'air reste liée et peut être stockée durablement dans le sol", explique Vincent Eckert, qui ajoute : "En même temps, la capacité du sol à absorber l'eau et les nutriments s'améliore, ce qui représente un avantage direct pour les agriculteurs".

(texte : Fondation Suisse pour le Climat)

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