Lutter contre l'arsenic et le fluorure dans l'eau potable
Une méthode récemment développée par l'Eawag permet d'estimer le risque de pollution dans une région sans avoir recours à des mesures à grande échelle. Une plate-forme gratuite exporte les connaissances dans le monde entier.
Un tiers de la population mondiale tire l'eau nécessaire à ses besoins quotidiens et à l'agriculture des réserves d'eau souterraine. Dans les pays en développement en particulier, les eaux souterraines sont souvent moins polluées que l'eau des lacs et des rivières, voire même la seule source disponible. Environ 10 pour cent des puits et des forages sont toutefois contaminés par l'arsenic ou le fluorure. Ces oligo-éléments sont généralement d'origine naturelle et sont lessivés par l'eau à partir des roches et des sédiments.
Pris à haute dose ou sur une longue période, l'arsenic et le fluorure ont des effets fatals sur la santé. Un excès de fluor provoque des lésions dentaires, des troubles de la croissance et des déformations osseuses. En cas d'exposition chronique à l'arsenic, la peau se décolore et devient très cornée. Les maladies cardio-vasculaires et le cancer font également partie des conséquences possibles.
Une nouvelle méthode pour localiser le danger
En 2008, un groupe de recherche de l'Eawag a présenté une nouvelle méthode permettant d'établir des cartes de dangers pour les polluants géogènes dans les eaux souterraines sans avoir à vérifier tous les puits et les réserves d'eau souterraine d'une région (Amini et al, 2008a, 2008 b). De telles cartes étaient une nouveauté dans le domaine de la recherche sur les eaux souterraines.
Les chercheurs ont pu démontrer dans différents pays que leurs calculs de modélisation étaient exacts. C'est notamment le cas au Bangladesh, au Vietnam et à Sumatra (Winkel, Nature Geosci. 1, 2008), mais aussi et surtout en Chine, où l'Eawag a pu démontrer, en collaboration avec l'Université médicale de Chine à Shenyang, que près de 20 millions de personnes vivent dans des zones à risque. En outre, plusieurs nouvelles zones à risque ont été découvertes dans le cadre de cette recherche (Rodriguez-Lado, Science 23, 2013).
Michael Berg, responsable du département Ressources en eau & eau potable à l'Eawag, explique le principe de la méthode : "Nous avons développé un modèle statistique basé sur des données géologiques, topographiques et pédologiques. Celles-ci sont complétées par d'autres jeux de données - par exemple des données climatiques ou satellitaires - puis combinées et étalonnées avec les mesures d'arsenic et de fluorure disponibles dans une région".
Faciliter la recherche locale
L'établissement de cartes de dangers de l'arsenic et du fluorure est une tâche fastidieuse que les autorités compétentes des pays en développement, où les moyens techniques et financiers sont limités, ont souvent du mal à mener à bien seules. Avec le soutien financier de la Direction suisse du développement et de la coopération (DDC), l'équipe de l'Eawag, en collaboration avec Ernst Basler + Partner et Hydrosolutions, a maintenant développé une solution en ligne qui est disponible gratuitement pour toutes les personnes intéressées : La plate-forme d'évaluation des eaux souterraines GAP (www.gapmaps.org). "Cela permet aux spécialistes du monde entier de visualiser leurs propres données et de créer leurs propres cartes de risques avec relativement peu d'efforts", explique Michael Berg. "Il est ainsi plus facile de déterminer quels puits doivent être examinés en priorité. Les fonds et les forces disponibles peuvent ainsi être utilisés de manière plus ciblée".
Rick Johnston, collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), attribue également un rôle important à la nouvelle plate-forme : "Pour les États confrontés à un problème d'arsenic ou de fluorure, GAP peut devenir un outil de surveillance important dans la mise en œuvre de l'Agenda 2030 pour le développement durable". Pour l'OMS et l'Unicef, le Fonds des Nations unies pour l'enfance, GAP est également un outil passionnant, car ces deux organisations s'engagent très activement contre l'arsenic et le fluorure dans l'eau potable.
Partage des connaissances sur l'élimination des substances toxiques
GAP est plus qu'une base de données basée sur le web pour la création de cartes de risques. "La nouvelle plateforme permet de localiser plus rapidement et plus facilement les polluants géogènes. C'est une étape importante pour la protection de la population", explique Michael Berg. "Cependant, le développement de méthodes pratiques pour éliminer les substances toxiques de l'eau est tout aussi important que la détection précoce".
Certains de ces procédés sont mentionnés dans le "Geogenic Contamination Handbook", également élaboré par l'Eawag, et disponible sur www.gapmaps.org (sous forme de PDF et de wiki, qui peut être complété par tous les utilisateurs). Michael Berg, chercheur dans le domaine de l'eau, déclare à ce sujet : "Malgré de nombreux progrès, les besoins en matière de recherche restent importants. Notamment en ce qui concerne le développement de technologies de nettoyage qui puissent être appliquées de manière simple et sûre". C'est pourquoi la plate-forme GAP a été conçue dès le départ comme un forum d'échange de connaissances. "Plus les connaissances existantes sont diffusées rapidement et efficacement, mieux c'est", explique Berg. Le nouveau portail Internet permet désormais une mise en réseau au niveau mondial.
(eawag)