Interview de l'OFT : "La suissitude, la suissitude et encore la suissitude".
Le Brand Asset Valuator (BAV) est la principale enquête sur la force et l'image des marques en Suisse. Il montre quelles marques sont les plus présentes et les plus respectées. Les marques fortes sont souvent immunisées contre les modes à court terme, mais les tendances plus importantes les influencent également. Dans cette interview, Swen Morath et Martin Keller donnent un aperçu de l'étude.
L'interview exclusive sur le Brand Asset Valuator avec Swen Morath et Martin Keller a été réalisée sous forme de vidéo et par écrit.
Werbewoche.ch : Swen Morath, le Brand Asset Valuator (BAV), comment les classements sont-ils établis ?
Chaque année, nous interrogeons près de 10'000 Suisses sur environ 600 marques. Outre plus de 60 attributs d'image, les dimensions de la pertinence, de la différenciation, de l'estime et de la familiarité sont également relevées. Ces quatre valeurs clés permettent de calculer la force des marques et donc les classements.
Martin Keller, que comprend l'OFT ?
Le BAV comprend des déclarations précises sur la force de la marque et le momentum de la marque, une analyse extrêmement granulaire des facteurs d'image d'une marque - comme nous l'avons dit : nous relevons plus de 60 attributs - ainsi qu'un examen du funnel de la marque, tant en ce qui concerne l'utilisation que la proximité émotionnelle d'une marque.
Votre plus grande surprise à l'OFT 2024 ?
Swen Morath : Dans l'enquête de cette année, un certain nombre de marques alimentaires ont connu une évolution fortement positive. Le fait que certaines marques de produits ménagers, telles que Kärcher et Dyson, aient également progressé, permet de conclure qu'il existe actuellement en Suisse une tendance au cocooning.
Nous avons maintenant le classement principal "Les marques les plus fortes de Suisse". Avec Google, Rega, Lego, Migros, Lindt, Ricola, Zweifel en tête. Votre commentaire ?
Martin Keller : Google, la Rega et Migros ont toujours été très fortes dans l'OFA. Le fait que Lindt, Ricola et Zweifel soient trois marques en tête de liste, où il est question de communauté et d'appartenance, confirme la tendance au cocooning.
"Les marques les plus fiables de Suisse" mit Zweifel, Ovo, Lindt, Lego, Migros, Google, Ricola, Migros, Google et Victorinox en tête. L'évolution de Ricola est remarquable. Qu'ont-ils fait de mieux pour grimper de 22 rangs ?
Martin Keller : Ce classement donne des informations sur la stature de la marque, c'est-à-dire la combinaison de l'estime et de la familiarité. C'est justement en temps de crise que les gens cherchent un soutien auprès des marques qui peuvent leur donner un sentiment de sécurité. Les marques de ce classement, y compris Ricola, ont réussi à se constituer au fil des ans un très fort dépôt de capital émotionnel et cela a maintenant des répercussions positives.
Qu'est-ce qui caractérise une marque suisse digne de confiance ?
Swen Morath : Comme nous l'avons dit, la confiance ne se gagne pas du jour au lendemain. Les marques les plus importantes de ce classement ont cultivé leur cœur de marque de manière conséquente et surtout cohérente pendant des années et se sont ainsi fait une place à long terme dans le cœur et l'esprit des consommateurs. Elles sont la preuve qu'un travail conséquent sur les marques est payant à long terme.
Quelle est la valeur de la confiance dans un monde qui évolue si rapidement ?
Swen Morath : Des études montrent qu'aujourd'hui, un seul contact avec les médias peut suffire pour passer d'une marque à une autre. Nous voyons un nombre incroyable de nouvelles marques, par exemple de célébrités et d'influenceurs, qui peuvent s'assurer des parts de marché en très peu de temps. Toutefois, ces effets ne sont souvent pas durables. D'un autre côté, il y a des marques qui se trouvent depuis de nombreuses années très à droite dans notre Power-Grid, c'est-à-dire qui ont une grande stature de marque. Ce capital a une grande influence sur la force globale de la marque - et si ces marques parviennent en plus à rester "fraîches", elles font alors partie des marques absolument puissantes.
Il existe maintenant une nouvelle catégorie "Love-Brands" ? Avec les marques Lindt, Twint, Ragusa, Gruyere, WhatsApp, Migros, Cumulus, Coop, Ovo et Raclette en tête - votre commentaire ?
Martin Keller : La suissitude, la suissitude et encore la suissitude. Nous avions déjà remarqué l'année dernière l'importance de la suissitude pour la marque Love dans notre pays - contrairement d'ailleurs à d'autres pays comme l'Allemagne ou la France. Cette année, on trouve encore plus de marques locales parmi les love brands que l'année précédente. Cela pourrait également être une preuve de la tendance au cocooning - mais seulement une sorte de tendance nationale.
Il est intéressant de noter que Coop n'apparaît dans le top 10 que pour les love brands. Coop a donc gagné cinq places, Migros en a perdu cinq. Votre explication ?
Swen Morath : Il est bien sûr toujours souhaitable de pouvoir donner une explication simple et claire à de tels mouvements dans le classement. Mais ce n'est pas aussi simple que cela. En particulier lorsqu'il s'agit de facteurs individuels comme le brand love, il n'y a souvent pas UNE seule explication. Nous savons toutefois qu'il existe une forte corrélation entre le Brand Love et l'authenticité d'une marque. Peut-être que MIGROS n'est actuellement pas perçue comme aussi authentique que Coop.
Ogilvy et Wunder Thompson sont des agences créatives dans leur ADN. Quel est le rôle de la créativité pour arriver en tête des classements BAV ?
Swen Morath : La créativité d'une marque joue un rôle très important dans la force de la marque. Premièrement, la puissance créative a une forte influence sur la différenciation d'une marque : plus elle est créative, plus elle a de chances de se distinguer clairement. Deuxièmement, nous savons que la créativité et la force d'innovation ont une forte influence sur une dimension que nous appelons "Influence", c'est-à-dire sur la capacité à donner des impulsions positives dans le discours culturel et à renforcer ainsi la marque à long terme. Nous préparons actuellement un livre blanc sur ce sujet, que nous présenterons lors du Congrès suisse des marques en juin.
Quels sont les principaux résultats de l'étude sur le BrandAsset Valuator (OFT) 2024 concernant le paysage des marques en Suisse ?
Martin Keller : Comme nous venons de le dire, il semble y avoir actuellement une tendance au cocooning. C'est d'ailleurs ce que nous constatons dans notre rapport Future 100 qui vient d'être publié : il existe actuellement un fort besoin de plus de "mental health" et de plus de sécurité émotionnelle. Les marques qui répondent à ce besoin ont certainement un grand potentiel actuellement. Nous avons par ailleurs constaté que les marques numériques telles qu'Apple, Microsoft ou Samsung, qui faisaient encore partie des grands gagnants l'année dernière, ont étonnamment perdu en puissance cette année. Il n'est pas encore clair si l'on peut en déduire une recommandation fondamentale pour moins de numérique - par exemple dans le choix des médias. Toutefois, nous constatons également un besoin accru d'expériences "in real life" - c'est-à-dire IRL au lieu d'URL.
Quelles sont les implications de la domination des marques locales dans la liste des "Most Loved Brands" pour les marques internationales en Suisse ?
Martin Keller : Il est évident que les marques qui n'ont pas d'ADN suisse à la base devraient réfléchir à la manière dont elles peuvent au moins susciter des associations avec la "suissitude". Cela pourrait passer par des coopérations avec des influenceurs locaux, mais aussi par un engagement actif dans les communautés locales.
Comment les entreprises peuvent-elles utiliser les conclusions de l'étude pour adapter leur future stratégie de marque et renforcer leur compétitivité ?
Swen Morath : Nous avons toute une série de clients - même ceux dont nous ne nous occupons pas en tant qu'agence - pour lesquels nous relevons régulièrement le BAV. Avec ces clients, nous discutons très intensément des résultats et donnons ce que nous appelons des "Strategic Starters" comme impulsions pour la gestion de la marque. Beaucoup de ces clients suivent certains attributs au fil du temps et vérifient ainsi si la personnalité de la marque, par exemple, évolue dans la bonne direction. La grande force du BAV réside notamment dans le fait que nous le collectons dans notre pays depuis 1995 déjà. Nous pouvons donc faire des déclarations très valables sur l'évolution de certaines marques au fil du temps. De notre point de vue, c'est beaucoup plus judicieux qu'un simple "contrôle de température"..