Thèmes fiscaux 2022 : écotaxes, transparence fiscale et impôt minimum mondial
Le dernier Swiss Tax Report de KPMG montre que les taux d'imposition des bénéfices des entreprises et des revenus les plus élevés ont légèrement baissé. Les écotaxes, la transparence fiscale et l'impôt minimum mondial vont fortement occuper le paysage fiscal suisse.
Le paysage fiscal mondial est en pleine mutation - avec des conséquences pour la Suisse et les entreprises qui y sont établies. Certes, la Suisse est un lieu d'implantation attractif tant pour les entreprises que pour les particuliers. Le Swiss Tax Report de KPMG met l'accent sur les thèmes fiscaux suivants en 2022 : dans la perspective de l'introduction d'un impôt minimum mondial pour les grandes entreprises, la Suisse doit toutefois se dépêcher si elle ne veut pas être désavantagée. En outre, les thèmes des taxes environnementales et de la transparence fiscale gagnent en importance et peuvent constituer un défi pour certaines entreprises.
Les taux d'imposition des bénéfices ont légèrement baissé en Suisse
Les taux d'imposition ordinaires des bénéfices des entreprises en Suisse ont légèrement baissé par rapport à l'année précédente, passant de 14,9% à 14,7%. Cela s'explique notamment par les baisses d'impôts dans les cantons du Valais (-1,6 point de pourcentage), d'Argovie (-1,1 point de pourcentage, sous réserve de la votation populaire du 15 mai 2022) et du Jura (-1,0 point de pourcentage). Les cantons de Suisse centrale ainsi que les cantons de Glaris et d'Appenzell Rhodes-Intérieures continuent d'appliquer les taux d'imposition ordinaires des bénéfices les plus bas. Ainsi, le canton de Zoug arrive en tête du classement des cantons avec un taux de 11,9%, suivi des cantons de Nidwald (12,0%) et de Lucerne (12,2%). Le canton de Berne est en queue de peloton avec un taux d'imposition des bénéfices de 21,0%.
En comparaison internationale, la Suisse impose peu les entreprises. Seuls les domiciles offshore classiques, Guernesey, le Qatar ainsi que certains pays d'Europe (du Sud) de l'Est offrent des taux d'imposition plus bas que les cantons à faible fiscalité. L'Irlande reste le principal concurrent de la Suisse en Europe.
Près de la moitié des cantons allègent la charge fiscale des hauts revenus
Les taux d'imposition suisses pour les revenus les plus élevés ont également légèrement baissé par rapport à l'année précédente, passant de 33,7 à 33,5%. Cela s'explique par le fait que douze cantons ont légèrement baissé le taux d'imposition des hauts revenus. Les réductions les plus importantes ont été réalisées par les cantons de Schwyz (-1,5 point de pourcentage), Schaffhouse (-1,0 point de pourcentage), Thurgovie et Lucerne (environ -0,6 point de pourcentage chacun). Les revenus les plus élevés sont les moins imposés dans les cantons de Zoug (22,2%), d'Appenzell Rhodes-Intérieures (23,8%) et d'Obwald (24,3%). Les taux d'imposition les plus élevés sont appliqués dans les cantons de Genève (44,8%), Bâle-Campagne (42,2%) et Vaud (41,5%).
Principaux thèmes fiscaux en 2022 : taxes environnementales
Les États du monde entier misent sur les taxes dites "vertes" pour augmenter les recettes fiscales et imposer le principe du pollueur-payeur dans le domaine de l'environnement. L'éventail va des taxes sur l'énergie et des mesures liées aux émissions aux taxes sur la pollution, la gestion des ressources et l'élimination des déchets, en passant par les taxes sur les transports. Certes, la part des recettes fiscales environnementales par rapport au PIB se situe encore à un niveau bas. Selon les statistiques de l'OCDE, elle s'élève à environ 1,5% dans les pays membres de l'OCDE, à environ 2,3% dans l'UE et à environ 1,4% en Suisse. "Avec l'entrée en vigueur attendue d'importantes mesures de politique environnementale dans le domaine de la taxation des émissions de CO2 et du plastique, la part des taxes environnementales dans le revenu fiscal total augmentera considérablement à l'avenir", prédit Anne Marie Anselmi, experte fiscale chez KPMG.
Bien que les dernières statistiques indiquent une légère baisse des recettes fiscales environnementales par rapport au PIB entre 2019 et 2020, cette baisse reflète principalement les retards dans la mise en œuvre des politiques environnementales et l'adaptation aux règles fiscales au cours de cette période. "Alors que ces deux dernières années, les pays ont surtout été occupés à gérer la pandémie de coronavirus, les gouvernements doivent rapidement réorienter leurs budgets vers la prochaine crise qui se profile : le changement climatique. Les taxes environnementales sont un moyen d'augmenter les recettes fiscales tout en créant des incitations ciblées pour une économie plus durable", explique Anselmi. Comme les taxes environnementales sont mises en œuvre de manière très différente selon les pays, la marge de manœuvre en matière de politique environnementale est souvent peu claire, surtout pour les entreprises actives au niveau international.
Seules 19% des entreprises en Suisse publient des rapports de transparence fiscale
Parallèlement, les entreprises sont également de plus en plus sollicitées sur le thème de la transparence fiscale, car celle-ci devient un critère de mesure important pour évaluer le concept de gouvernance des entreprises et est étroitement liée à d'autres indicateurs ESG. De nombreuses grandes entreprises suisses publient aujourd'hui des rapports de durabilité, mais les aspects fiscaux n'y sont que rarement couverts de manière détaillée.
Une analyse KPMG des 150 plus grandes entreprises cotées à la SIX Stock Exchange montre que seules 19% des entreprises publient des rapports de transparence fiscale. Cela va changer à l'avenir. En effet, de nombreuses entreprises seront probablement soumises à la directive Public CbCR de l'UE à partir de 2025. Celle-ci exige de nouvelles obligations de publication pour les entreprises multinationales disposant d'une succursale dans un pays de l'UE et réalisant un chiffre d'affaires annuel de 750 millions d'euros ou plus, ce qui augmentera considérablement le nombre de rapports de transparence fiscale publiés.
Imposition minimale globale : la Suisse doit faire vite
L'introduction prochaine d'un impôt minimum global montre également que la Suisse ne peut pas se soustraire aux évolutions fiscales internationales : 18 cantons ont des taux d'imposition inférieurs au taux minimum d'imposition des bénéfices de 15% visé par l'OCDE. Si ces cantons ou la Suisse n'augmentent pas leurs taux d'imposition des bénéfices pour les entreprises concernées jusqu'à ce seuil, la différence pourrait être imposée à l'étranger. "Selon les estimations de la Confédération, le fisc suisse perdrait, du moins à court terme, des recettes fiscales d'environ 1 à 2,5 milliards de francs, auxquelles il ne devrait pas renoncer au vu des conséquences de la pandémie et des défis à venir", avertit Olivier Eichenberger, expert fiscal chez KPMG.
Compte tenu de la feuille de route ambitieuse de l'OCDE et des pays du G20 - les premiers éléments de l'imposition minimale doivent entrer en vigueur dès le 1er janvier 2023 - la Suisse et son système politique sont particulièrement sollicités. Ainsi, le Conseil fédéral a décidé de mettre en œuvre l'impôt minimum en modifiant la Constitution et de s'assurer, au moyen d'une ordonnance temporaire, que l'impôt minimum pourra être introduit au 1er janvier 2024. Le peuple suisse doit se prononcer à ce sujet le 23 juin 2023. Quel que soit le résultat de la votation, l'impôt minimum global aura une grande importance pour la concurrence internationale entre les places économiques. Il limite les possibilités des pays à faible fiscalité de se positionner au moyen de régimes fiscaux compétitifs. "Les pays comme la Suisse sont fortement incités à soigner de manière ciblée leurs autres facteurs de localisation, comme l'accès à la main-d'œuvre qualifiée ou la flexibilité des conditions du marché du travail", explique Stefan Kuhn, responsable du conseil fiscal et juridique chez KPMG.
Source : KPMG