Intelligence artificielle (IA) : la Suisse se montre inerte dans la course mondiale
Une nouvelle tendance en matière de recherche, de développement et d'application de l'intelligence artificielle (IA) a vu le jour à l'échelle mondiale. Les entreprises suisses n'en sont toutefois qu'à leurs débuts dans l'utilisation de l'IA. Les experts craignent que la Suisse ne rate le coche.
Les résultats de la CEO Survey publiée cette semaine donnent une image claire : 85 % des CEO du monde entier estiment que l'intelligence artificielle (IA) va changer leur activité de manière spectaculaire au cours des cinq prochaines années (voir 22e enquête sur les CEO de PwC). Près de deux tiers des décideurs mondiaux accordent à l'IA un potentiel d'impact plus important qu'à Internet. Le niveau de développement et de promotion de l'IA varie d'un pays à l'autre.
La Suisse adopte une attitude passive
La comparaison globale montre que les CEO suisses font preuve de retenue. Environ 40 % des CEO suisses interrogés indiquent qu'ils ne prévoient actuellement aucune application d'IA. Au niveau mondial, ils sont tout juste 23 %. 23 autres % des CEO suisses indiquent qu'ils élaboreront un plan pour l'application de l'IA au cours des trois prochaines années, tandis que 30 % ont choisi jusqu'à présent une approche très limitée. Moins de 10 % déclarent avoir déjà mis en œuvre l'IA dans leur entreprise.
La situation est similaire lorsqu'il s'agit de savoir dans quelle mesure l'IA va changer la manière de faire des affaires : 26 % des CEO suisses ne s'attendent pas à des changements importants en raison de l'IA - un avis partagé par seulement 13 % au niveau mondial. En conséquence, le nombre de CEO qui prévoient un changement significatif est supérieur de 18 % à celui de la Suisse.
Pas le temps pour l'IA ?
Les raisons de cette situation sont multiples. En partie, les entreprises suisses ont eu d'autres priorités ces dernières années, comme par exemple le franc fort. De plus, certaines entreprises ont des réserves quant à la performance de la technologie ou sont critiques vis-à-vis de l'automatisation. Un élément important est le traitement et la disponibilité des données. Plus les données disponibles sont complètes et exhaustives, plus les systèmes d'IA peuvent en tirer des enseignements. Les mesures d'encouragement étatiques jouent également un rôle important. Celles-ci concernent un cadre réglementaire clair et la promotion de la formation et de la recherche.
"En comparaison avec d'autres pays, la Suisse n'a pas encore de stratégie IA au niveau fédéral. Et ce, malgré de bonnes conditions-cadres, car la Suisse possède un excellent système éducatif, une grande capacité d'innovation et des spécialistes talentueux", explique Christian Westermann, expert en données et responsable IA chez PwC Suisse. "Il appartient maintenant à la Confédération de créer les conditions cadres nécessaires à l'IA en Suisse et de soutenir les entreprises ainsi que les institutions de recherche et de formation dans l'introduction de mesures concrètes. Ce n'est qu'ainsi qu'elles ne seront pas distancées et qu'elles obtiendront un avantage commercial à l'avenir".
L'IA au cœur de la transformation numérique mondiale
De nombreux pays, tels que la Chine, la France, Singapour ou le Japon, ont déclaré que l'IA était une technologie clé de la transformation numérique et ont annoncé des plans complets pour stimuler la recherche et le développement dans le domaine de l'IA. En outre, il existe de nombreuses stratégies internationales (par exemple de l'UE, des Nations unies, des EAU et de l'Inde) qui régissent les partenariats en matière d'IA. Les investissements sont considérables et se chiffrent en milliards. Les initiatives ne se distinguent que par leur orientation stratégique. Dans l'ensemble, elles couvrent la recherche scientifique, le développement des talents, les compétences et l'éducation, l'appropriation par les secteurs public et privé, l'éthique et l'inclusion, les normes et les réglementations, ainsi que les données et l'infrastructure numérique.
Lancement d'un groupe de travail fédéral
Les stratégies nationales en matière d'IA ont en revanche un point commun. Elles tentent de créer un écosystème global. Westermann : "Un écosystème d'IA fort se caractérise par un réseau solide entre la science, l'économie avec les entreprises et les start-ups ainsi que la société. Pour qu'un tel environnement puisse voir le jour, il faut des mesures politiques pionnières et une stratégie globale. En 2018, la Confédération a mis en place un groupe de travail sur l'intelligence artificielle qui doit présenter au Conseil fédéral les mesures existantes et nouvelles d'ici l'automne 2019. J'espère que cela permettra de créer une base qui continuera à soutenir la Suisse dans sa volonté de jouer un rôle de premier plan dans le domaine de la technologie et de l'innovation".
Source : PwC