Collecter l'ADN au lieu de compter les espèces

Une nouvelle méthode simplifie la détermination de la biodiversité : au lieu de collecter et de caractériser les espèces une à une, l'ADN des organismes est déterminé à partir d'échantillons environnementaux. Des chercheurs de l'UZH et de l'Eawag ont pu démontrer pour la première fois que ce procédé fonctionne dans les rivières.

Les êtres vivants transmettent constamment leur ADN à leur environnement. Cela permet aux chercheurs de déterminer plus facilement la diversité biologique d'un écosystème.
Les êtres vivants transmettent constamment leur ADN à leur environnement. Cela permet aux chercheurs de déterminer plus facilement la diversité biologique d'un écosystème.

La plupart des écosystèmes naturels sont fortement touchés par les modifications de l'habitat humain, le changement climatique ou les espèces invasives. Pour l'écologie et la protection de la nature, il est essentiel d'évaluer l'état et les changements de la biodiversité. Pour protéger les écosystèmes, il faut connaître les organismes qui y vivent. Cependant, les méthodes classiques ne sont souvent adaptées qu'à l'identification d'un sous-groupe d'organismes. De plus, elles sont coûteuses et les organismes eux-mêmes doivent être collectés pour cela.

Depuis peu, l'idée est de collecter à la place l'ADN d'organismes à partir d'échantillons environnementaux comme le sol ou l'eau et de détecter ainsi les différentes espèces. Tous les organismes libèrent en permanence de l'ADN dans l'environnement, par exemple par les excréments ou les particules de peau. Cet ADN environnemental est séquencé à l'aide des technologies les plus récentes, puis comparé à des bases de données afin de déterminer les espèces. "Cette nouvelle approche a le potentiel de révolutionner l'étude de la biodiversité", explique Florian Altermatt, professeur à l'Institut de biologie de l'évolution et des sciences environnementales de l'Université de Zurich et à l'Institut de recherche sur l'eau Eawag.

ADN d'éphémères et de castors 

Lui et son équipe de l'Eawag à Dübendorf ont récemment apporté la preuve pratique de cette idée. Ils ont collecté l'eau de la Glatt, une rivière du canton de Zurich, à différents endroits et en ont ensuite extrait tout l'ADN. "Nous avons puisé un litre d'eau et avons ensuite pu extraire l'ADN d'un nombre étonnamment élevé d'espèces, des insectes aquatiques comme les éphémères au castor qui vit plus en amont", explique le coordinateur de l'étude, M. Altermatt. L'ADN de milliers d'organismes a été comparé aux estimations traditionnelles de la biodiversité. Cela a permis de déterminer si les organismes détectés vivaient réellement dans cet environnement.

Dans des travaux antérieurs, les auteurs avaient déjà montré que les rivières transportent l'ADN sur plusieurs kilomètres. "Cela ouvre de nouvelles approches pour obtenir des informations sur la diversité des organismes dans les systèmes fluviaux", explique Altermatt. "Nous pourrons sans doute bientôt déterminer la diversité biologique de la même manière que l'on mesure la chimie de l'eau". Les différents échantillons d'eau ne contiennent pas seulement des informations sur les organismes aquatiques, mais aussi sur les organismes terrestres présents le long de la rivière. Les scientifiques ont ainsi obtenu une empreinte digitale des organismes vivant dans l'ensemble du bassin versant. Et ils démontrent le potentiel de l'ADN environnemental à pouvoir déterminer la biodiversité de tous les animaux, des insectes aquatiques aux mammifères.

Déterminer la biodiversité de manière routinière

L'étude des chercheurs de l'UZH montre que les rivières, avec leur structure réticulaire unique, collectent et transportent de l'ADN environnemental qui contient des informations sur les organismes aquatiques et terrestres. Comme le processus peut être automatisé, des données sur la biodiversité pourraient être collectées à l'avenir avec une résolution spatiale et temporelle sans précédent. "Je pourrais imaginer que les échantillons d'eau qui sont aujourd'hui prélevés quotidiennement, voire toutes les heures, par les autorités cantonales ou nationales pour le screening de produits chimiques pourraient également être utilisés pour saisir la biodiversité", spécule Altermatt.

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