Des produits chimiques à base de bois plutôt que de pétrole

A l'avenir, des produits chimiques importants pour les médicaments, les matières plastiques et les engrais devraient pouvoir être fabriqués à partir de bois plutôt que de pétrole. Deux projets de recherche du Programme national de recherche "Ressource bois" se sont désormais nettement rapprochés de cet objectif.

Ressource bois : cette matière première renouvelable pourrait à l'avenir remplacer le pétrole dans la fabrication de produits chimiques.
Ressource bois : cette matière première renouvelable pourrait à l'avenir remplacer le pétrole dans la fabrication de produits chimiques.

Le pétrole ne permet pas seulement de produire du carburant. Les produits pétrochimiques sont également des matières premières importantes pour l'industrie chimique. Sans pétrole, il n'y aurait pas de matières plastiques et peu de médicaments ou d'engrais. Cependant, le déclin de la production de pétrole est prévisible. Pour relever le défi qui en découle, nous avons besoin de ressources renouvelables comme alternatives au pétrole.

Deux projets de recherche du Programme national de recherche "Ressource bois" (PNR 66) ont désormais fait un pas important vers le remplacement du pétrole par la biomasse végétale, notamment le bois. Ils se concentrent de manière complémentaire chacun sur l'un des deux principaux composants du bois : la cellulose et la lignine. Ces deux substances renouvelables sont les composés organiques les plus répandus dans le monde.

A l'EFPL, Sviatlana Siankevich a développé de nouveaux procédés catalytiques performants qui permettent d'obtenir de l'hydroxyméthylfurfural (HMF) à partir de la cellulose, une substance de base importante pour la fabrication de plastiques, d'engrais et de biocarburants.(*) L'équipe de la FHNW à Muttenz (BL), dirigée par Philippe Corvini, s'est inspirée des champignons qui décomposent le bois en décomposition pour trouver des enzymes qui décomposent la lignine en composés aromatiques. Ces composés aromatiques servent de matières premières pour la fabrication de solvants, de pesticides, de médicaments et de matières plastiques comme le polystyrène.

Des produits chimiques plutôt que du papier
La cellulose est une molécule de sucre à longue chaîne (hydrate de carbone) et représente environ deux tiers du poids du bois. "Aujourd'hui, on fabrique surtout du papier à partir de la cellulose. Les résidus qui en résultent pourraient être utilisés de manière judicieuse pour fabriquer des produits chimiques très demandés", explique Sviatlana Siankevich de l'Institute of Chemical Sciences and Engineering de l'EPFL. En collaboration avec des scientifiques de la Queen's University au Canada et de la National University of Singapore, l'équipe de l'EPFL dirigée par Paul Dyson a synthétisé plusieurs types de liquides ioniques (sels liquides) pour produire du HMF à partir de la cellulose. Grâce à leur procédé, les scientifiques ont obtenu un rendement record de 62% en une seule étape.

"Notre procédé fonctionne dans des conditions de réaction douces et ne nécessite pas de températures et de pressions très élevées, ni d'acides forts", explique Siankevich. "Nous avons également pu réduire la quantité de sous-produits indésirables. C'est un aspect important pour l'utilisation industrielle du procédé. Notre procédé fonctionne avec le bois, mais il est souvent plus simple d'utiliser de la cellulose extraite de plantes herbacées".

Chimie verte
A la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse (FHNW) à Muttenz, Philippe Corvini et son doctorant Christoph Gasser développent des procédés de valorisation de la lignine. Cette molécule à longue chaîne fait partie des parois cellulaires et confère aux arbres leur rigidité. Le bois est composé d'environ 15 à 40 pour cent de lignine. "Jusqu'à présent, celle-ci n'était guère valorisée, mais souvent simplement brûlée", explique Corvini. "Pourtant, elle peut être décomposée en composés aromatiques : des molécules basées sur les anneaux hexagonaux de carbone omniprésents dans la chimie organique. L'industrie transforme une grande quantité de ces composés, qui sont presque exclusivement extraits du pétrole. Actuellement, la lignine est l'alternative la plus prometteuse au pétrole".

Il existe des champignons qui sécrètent un cocktail d'enzymes pour décomposer et dégrader la lignine. Sous la direction de Corvini, l'équipe de la FHNW a étudié des combinaisons de dizaines de ces enzymes afin de déterminer la plus efficace. Grâce à une étape catalytique supplémentaire, ils ont réussi à briser 40 pour cent de la lignine en très petites molécules - comme la vanilline. Le processus est intéressant pour l'industrie chimique : l'équipe collabore déjà avec un producteur de lignine. "Aujourd'hui, la lignine est surtout extraite de la paille de blé ou de riz", explique Corvini. "Mais le bois tendre - comme celui de l'épicéa - conviendrait aussi bien, car sa lignine se laisse facilement décomposer".

L'équipe de la FHNW a également mis au point un procédé de réutilisation des enzymes. "Nous avons lié les enzymes à des nanoparticules de fer recouvertes de silice", explique-t-il. "Après la réaction, nous retirons simplement les particules de fer à l'aide d'un aimant pour récupérer les enzymes". Celles-ci peuvent être réutilisées jusqu'à dix fois, ce qui réduit considérablement l'énergie et les ressources nécessaires à leur production. Le procédé s'inscrit donc parfaitement dans le concept de "chimie verte".

Utiliser tout le bois
Le bois doit être exploité de la manière la plus complète possible afin de constituer une alternative économique aux produits pétrochimiques. "Extraire de petites quantités d'un seul composant ne suffit pas", explique Sviatlana Siankevich. "Nous devons donc trouver des procédés complémentaires pour pouvoir utiliser tout le bois". D'autres aspects doivent être pris en compte pour déterminer si le bois est un substitut économiquement viable au pétrole. Dans le cadre d'un troisième projet du PNR 66, la durabilité de la production d'acide succinique, un autre produit chimique important, à partir de résidus de bois a récemment été étudiée. L'étude, menée conjointement par l'ETH Zurich et l'EPFL, montre qu'une conception intelligente des processus peut permettre de réaliser des économies d'énergie et de préserver l'environnement d'une autre manière - des facteurs essentiels pour des bioraffineries compétitives.

Source : Fonds national suisse (FNS)

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