Un essai à long terme contredit l'hypothèse - l'inventaire du CO2 est optimisé
Les sols possèdent un grand potentiel pour retenir le CO2 de l'atmosphère sous forme de carbone. Les chercheurs d'Agroscope ont pu montrer que, dans les systèmes de culture extensifs, une quantité de carbone nettement plus importante que ce que l'on supposait jusqu'à présent parvient dans le sol via les racines des plantes. Sur la base de ces résultats, les valeurs estimées pour l'inventaire national des gaz à effet de serre ont été adaptées.
Avec l'inventaire des gaz à effet de serre, la Confédération vérifie si la Suisse est en bonne voie pour atteindre les objectifs de réduction de CO2. Les sols jouent un rôle important dans ce processus, car ils absorbent le CO2 de l'atmosphère. Les racines des plantes cultivées constituent la principale source de carbone organique du sol dans les terres arables. Ces apports sont estimés dans l'inventaire des gaz à effet de serre sur la base de la biomasse aérienne. Jusqu'à présent, on partait du principe que plus la biomasse aérienne était importante, plus les apports de carbone par les racines augmentaient. Cela signifie que l'on supposait des apports de carbone plus élevés pour les systèmes de culture intensive à haut rendement que pour les systèmes extensifs tels que l'agriculture biologique.
Des essais sur le terrain à long terme contredisent les hypothèses précédentes
Agroscope vient de réfuter ces hypothèses. Les chercheurs ont étudié les apports souterrains de carbone du maïs et du blé d'hiver dans le cadre de deux de leurs essais à long terme les plus importants, l'essai DOK (qui compare depuis 1978 les systèmes de culture biologique et conventionnelle, Therwil BL) et l'essai ZOFE (le Zurich Organic Fertilisation Experiment a été lancé en 1949 et est le plus ancien essai à long terme de Suisse). Les apports de carbone sont la somme du carbone apporté au sol d'une part par les racines elles-mêmes et d'autre part par les excréments des racines. De manière surprenante, les apports de carbone souterrains sont restés constants dans les deux cultures, bien que la biomasse aérienne ait varié jusqu'à un facteur de 3,5. La méthode biologique utilisée dans l'essai DOK a même permis d'apporter au maïs un tiers de carbone en plus par le biais des exsudats racinaires, alors que la biomasse aérienne était inférieure en 20% à celle de la culture conventionnelle.
En résumé, on peut donc dire que, par rapport à la biomasse aérienne, la biomasse racinaire et les exsudats racinaires apportent plus de carbone au sol dans l'agriculture biologique que dans l'agriculture intensive.
Des études de terrain sur des exploitations pratiques confirment les études modèles
Les résultats d'une autre étude de grande envergure menée sur 24 exploitations agricoles en Suisse ont confirmé les conclusions des essais à long terme. Les rendements de blé dans les exploitations biologiques étaient certes inférieurs d'un tiers à ceux des exploitations conventionnelles, mais la biomasse racinaire était supérieure de 40%. Ces résultats soulignent le potentiel des systèmes extensifs tels que l'agriculture biologique à introduire davantage de carbone dans le sol par les racines et à atténuer ainsi le changement climatique.
Ajustement dans l'inventaire des gaz à effet de serre
Sur la base des conclusions d'Agroscope, les valeurs estimées ont été adaptées dans le modèle de calcul de l'inventaire des gaz à effet de serre. L'inventaire des gaz à effet de serre permet de vérifier si la Suisse est sur la bonne voie pour atteindre les objectifs de réduction internationaux et nationaux fixés par le protocole de Kyoto et la loi sur le CO2. Les émissions de CO2 ou l'absorption de CO2 par les sols jouent également un rôle important. Ces deux éléments peuvent être influencés par l'exploitation agricole. Comme les apports de carbone par les racines ne peuvent pas être mesurés à grande échelle, ils ont été estimés jusqu'à présent pour les céréales sur la base des rendements de la biomasse aérienne.
Source : Agroscope
Infos : Les résultats des chercheurs d'Agroscope ont été élaborés dans le cadre du Programme national de recherche "Utilisation durable de la ressource sol, PNR68" et publiés dans les revues scientifiques renommées suivantes :
- "Agriculture Ecosystèmes et Environnement"
(DOI : 10.1016/j.agee.2018.07.010, lien https://doi.org/10.1016/j.agee.2018.07.010)
- "Science de l'environnement total"
(DOI : 10.1016/j.scitotenv.2020.143551, lien https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2020.143551)